L’année 2015 aura mis en évidence ce que l’on a un peu hâtivement nommé « l’Ubérisation » de la société. Ce terme fait référence au système de transport par des véhicules particuliers (dénommée voiture de tourisme avec chauffeur – VTC – dans la législation française), sous la supervision par internet de la société américaine Uber. Durant cette période, l’on a entendu sur les différents médias, un peu tout et n’importe quoi quant aux droits des VTC et des taxis, en matière de circulation routière, tout particulièrement dans le grand Paris.
Savoir de quoi l’on parle : VTC et Taxi
Bien qu’exerçant tous deux la même activité sur la voie publique, les différences entre eux sont importantes.
Les taxis
Schématiquement un chauffeur de taxi est: soit un salarié d’une société soumis à certaines obligations en sus du droit du travail, soit un travailleur non salarié (artisan), qui doit remplir un nombre très important de conditions, pour exercer son activité. Parmi celles-ci l’on peut citer :
- Un casier judiciaire vierge
- Une formation longue et des mises à niveau périodiques
- Des contraintes administratives
- Le payement de l’ensemble des charges sociales et fiscales, affairent à l’activité (BNC)
- Des contraintes matérielles liées au véhicule, au temps de travail, aux tarifs, etc.
- Enfin l’achat d’une « licence » à un taxi partant en retraite, ou cessant l’activité (de 150 000 € à 200 000 € en province et 240 000 à Paris).
Les VTC
Il s’agit de personne qui exercent à mi-temps ou à plein-temps une activité de chauffeurs pour le transport de personnes. Ceci à titre onéreux, sur réservations (maraude interdite) et avec un véhicule type Berline. Les contraintes sont moindres que pour les taxis, bien que la législation tende vers une harmonisation des règles entre les deux activités (casier judiciaire bulletin N° 2 vierge, dans les deux cas…).
Enfin les VTC optent en général pour le statut d’auto-entrepreneur, dans lequel les charges sociales et fiscales ne sont dues que sur les sommes encaissées.
Droit de circulation : que dit la loi ?
Si les règles de circulation sont en général les mêmes pour tous les usagers de la route, il existe des dérogations concernant l’utilisation des voies réservées aux bus par les taxis. Suite à une période de conflit larvé entre VTC, taxis et pouvoirs publics, ces derniers ont étendu ces dérogations sur une zone très précise (examiné plus avant) aux Voitures de Transport avec Chauffeur. Plus concrètement c’est l’article R412-7 du Code de la route qui définit les modalités d’usages des voies réservées au bus. « Lorsque, sur la chaussée, une voie de circulation réservée à certaines catégories de véhicules est matérialisée, les conducteurs d’autres catégories de véhicules ne doivent pas circuler sur cette voie ». L’article R432-2 du même code tempère cette interdiction pour les véhicules des services publics (pompiers, ambulances SAMU, police), pour autant qu’il soit en service et qu’ils utilisent leurs avertisseurs sonores et lumineux.
Concernant les taxis, ceux-ci bénéficient d’une tolérance dérogatoire de la part du Ministère de l’intérieur. Cela signifie que celui-ci peut à tout moment rétablir l’interdiction totale, sans aucun recours juridique pour les chauffeurs de taxi. D’autre part, l’entrave à la circulation ou son ralentissement sur les voies de bus, sont soumis à l’appréciation des agents de la force publique. Ceux-ci peuvent verbaliser, si par exemple un autobus doit s’arrêter, suite au chargement ou au dépôt d’un client. Enfin lorsque le taxi n’est pas en service (indicateur lumineux encapuchonné), le véhicule redevient une voiture particulière, soumise au droit commun.
Le cas des VTC est lui très simple : LES VTC N’ONT PAS LE DROIT DE CIRCULER SUR LES VOIES RÉSERVÉES AUX BUS, cela est valable sur l’ensemble du territoire hexagonal, agglomération parisienne comprise, avec toutefois une exception pour l’autoroute A1. C’est clair, net et précis. Aucun tribunal, qu’il soit de police, administratif ou judiciaire, n’ira à l’encontre des lois et règlements de la République. Il est donc inutile d’y faire appel. Pour information : le fait de circuler sur une voie réservée relève d’une contravention de 4ème classe au tarif forfaitaire de 135 €.
Pour conclure cet exposé législatif, rappelons qu’un maire possède les pouvoirs de police sur sa commune et peut donc autoriser, restreindre ou interdire, de manière permanente ou temporaire une ou des voies de circulations à telles ou telles catégories de véhicules. La seule possibilité de recours, est dans ce cas de figure le tribunal administratif.
Enfin et plus généralement la catégorisation et l’usage des voies de circulations sont définis par les articles : L. 2213-2, L. 2213-3, L. 2213-4, R415-13 du Code de la route.
Le cas particulier de la liaison Paris Roissy-Charles-de-Gaulle
Frantz Kafka n’aurait pas renié la situation qui prévaut entre les pouvoirs publics, les taxis et les VTC, concernant une portion de l’autoroute A1, qui conduit aux terminaux de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy.
Succinctement, si l’on fait un historique de la situation, on a :
- Les pouvoirs publics, qui pour compenser certaines mesures de mise en concurrence du transport de personnes (VTC…), ont accordé aux taxis, aux bus, aux transports de personnes âgées ou handicapées et aux cars d’Air France, l’usage réservé sur 5 km d’une voie de l’autoroute A1. Ceci dans les sens Roissy-Paris, de 6 h 30 à 10 h 00 en semaine. Par la suite, l’A6a bénéficia aussi de la même organisation dans le sens Orly-Paris sur 3 km.
- S’estimant victime d’une concurrence déloyale, les sociétés de VTC ont déposé un recours devant le Tribunal administratif de Montreuil. Le juge des référés, fait droit aux demandeurs.
- Concomitamment (24 heures plus tard), le Tribunal administratif de Paris prend une décision contraire, en refusant l’accès du couloir réservé aux VTC.
- Le Conseil d’État, saisi pour trancher le différend, « botte en touche » et renvoie sa décision au fond, sine die. Ceci probablement, dans l’attente d’une loi générale de remise à plat du transport de personnes.
- En ce début d’année 2016, la création de la voie réservée sur l’A1 est donc suspendue. D’autre part, les nouvelles mesures concernant les forfaits applicables aux taxis d’aéroport, annoncées pour le 1er mars, risquent d’envenimer encore la situation.
S’il est indéniable que le transport de personnes nécessitait en France, une refonte de la législation, celle-ci semble se dérouler par à-coups, dans l’incohérence la plus totale. Avec à la clé une insatisfaction générale des acteurs de la filière, mais aussi des clients ballotés entre incertitudes, pertes de temps et opacité.